Premier émoi lesbien

Premier émoi lesbien
C'est un souvenir qui revient de loin, du siècle dernier, c'est-à-dire à l'époque, on parle beaucoup moins de sexe et surtout, la norme pour les filles, c'est de rêver au prince charmant, à l'homme de ta vie qui va te prendre la main, te protéger. J'étais comme ça et puis il s'est passé un truc qui a tout changé.
Aujourd'hui, ça peut paraître easy, tu vois, le genre d'expérience que tout le monde peut avoir, mais au 20ème siècle, c'était vraiment le genre de moment qui secouait chacun de tes atomes, surtout au niveau du bas ventre.
On est aux alentours de 1995, dans un bar, des enceintes diffusent du trip-hop, short portichette et mortiva, classique. Les filles avec qui je suis sont des copines de copines, je les trouve cool et marrantes. Je suis la seule de mon groupe de potes de base à les avoir suivies pour prendre un verre après notre resto.
Autour du bar, en demi-cercle, on essaie de commander, mais il y a vraiment trop de monde, et puis la serveuse se pointe et là, bim, nos regards se croisent. Ce moment, c'est comme un tsunami, il n'y a plus rien qui existe, je suis accrochée à ses yeux qui me transpercent, incapable de bouger, de dire un mot.
Quand j'y pense aujourd'hui, j'en ai encore la chair de poule, c'est, en fait, et même si j'aurais été incapable de dire ça à l'époque, je ressens un truc dans tout mon corps. Et c'est très agréable, déconcertant, mais agréable.
Quand je lève la tête, la serveuse est occupée ailleurs, mais moi je peux vraiment pas détacher mes yeux d'elle. Je suis tellement bouleversée que je me pose pas de questions, c'est seulement quand une copine me demande si ça va, que je me rends compte de la situation, que j'ai des mains moites, la bouche sèche…
Je rigole avec les copines, la soirée reprend son cours, mais une question me trotte dans la tête, qu'est-ce qui m'arrive ? Et pourquoi cette fille elle me fait un tel effet ? Moi qui aime tellement les hommes, qui rêve de me marier tout le truc de princesse, moi qui vibre pour les types musclés, qui aime me sentir pénétré par leur sexe… Merde, qu'est-ce qui se passe ?
Une table se libère, on s'y installe, les copines font des messes basses, puis elles se lèvent et me disent qu'elles reviennent. On se connaît pas depuis très longtemps, je veux pas m'imposer dans leur groupe, alors je dois faire un hauchement de tête à la con pour dire "ok" et puis je les regarde disparaître.
Je suis bouleversée, je cherche la serveuse des yeux et puis en même temps, je sens bien que c'est pas normal de faire ça. Alors, j'observe autour de moi, y'a pas de portable à l'époque dans lequel plonger mon regard, et c'est là que je comprends. Bon, aujourd'hui ça peut paraître ridicule mais à l'époque, les endroits réservés aux femmes qui aiment les femmes, ça reste assez secret.
Et je suis là, dans ce bar réservé aux femmes, toute seule à ma table, et tellement gênée d'un coup, j'ai l'impression d'être une usurpatrice, qu'est ce qui se passera si on vient me draguer ou je sais quoi, et puis si je dis que j'en suis pas, on va me traiter de voyeuse, bref, j'ai un instant de pur panique en mode hétéro, c'est écrit sur ma gueule.
Et puis y'a la musique qui me rassure, tout le monde est cool, ok, cool. Dans le box, juste à côté du mien, y'a deux personnes qui se parlent à l'oreille, qui sourient, et puis l'une caresse l'épaule nue de l'autre, sa nuque, je suis à même pas à deux mètres d'elle, je peux presque les entendre, sentir leur odeur.
L'une d'elles a la peau qui marque, elle a comme des traces de griffes sur son épaule, j'imagine, je ne sais quoi, que sa copine la serrait tellement fort au moment de l'orgasme que ça a fait des marques. Elle s'embrasse, j'essaie de pas aller regarder, je jure, mais je peux pas, ça me fascine.
Leurs langues dansent ensemble, l'élève se sourit, je vois même des filets de salive, des filets de salive, je crois que c'est là que je me rends compte que je suis excitée, que je peux bien me raconter tout ce que je veux, comme quoi je suis hétéro depuis toujours, que j'aime sentir un homme contre moi, etc.
Les filets de salive qui unissent leurs bouches me font un truc physique, les marques sur leur peau me font un truc physique, leurs mains, que je ne vois pas, que je devine s'entremêlant, caressant, me font un truc physique.
C'est pas facile d'en parler, mais oui, je peux plus juste dire que je me sens bizarre là. Mes seins sont excités, ils pointent sous mon t-shirt, et comme j'ai pas de soutien gorge, les tétons sont vraiment sensibles. J'ai mis ma main devant ma bouche, comme pour cacher mon trouble.
Je suis devant une coupe de chantilly, j'en veux. Toute excitation dans mon corps mais aussi dans ma tête, j'avoue. J'aimerais des doigts sur mon sexe, j'aimerais des mains pour malaxer mes seins, j'aimerais qu'on me morde dans le cou, et je réalise que j'aimerais que ce soit une femme qui me fasse tout ça, que je suis excitée par des femmes.
Et c'est peut-être ça qui me rend plus dingue. A la fois excitée et gênée par la situation, je peux pas rester là à regarder ce couple dans son intimité, c'est pas correct. Bon allez, je me casse. Je téléphonerai demain aux copines, je trouverai bien une excuse.
Mais voilà, pile au moment où je me lève, la serveuse est là avec nos consommations. Elle accroche ses yeux dans les miens, dispose les verres en prenant son temps, et puis elle se redresse et me demande si je pars déjà. Comment ça déjà ? Je voudrais dire un truc cool impossible.
J'arrive pas à détacher mes yeux de cette fille. Je me demande ce que ça fait de toucher sa peau, de l'embrasser, ce que ça ferait de sentir sa langue pénétrer ma bouche. Je voudrais qu'elle me dise de la suivre, jamais j'oserais. Puis les copines reviennent, la serveuse a disparu.
Je suis à la fois soulagée et déçue. Je fais un effort pour me remettre dans la discussion, une des filles m'explique que le bar a ouvert une backroom si ça me tente. Je hoche la tête d'un air entendu, comme si je connaissais tout ça par cœur.
Alors qu'en vrai, je croyais qu'il y avait des backrooms uniquement chez les gays. On discute, on rigole, mais au fond de moi, je suis trop excitée par tout ça. J'ai trop envie d'aller voir cette backroom. Je suis encore plus excitée.
Il faut vraiment que je me calme, que je fasse un truc pour redescendre. Je vais aller me passer un coup d'eau sur le visage et après j'aviserai. Dans les toilettes, deux femmes se tiennent l'une face à l'autre et discutent tout bas.
Elles sont en terre pacifique, chez elles si on peut dire. Pourtant, je perçois leur pudeur. Aujourd'hui, c'est pas simple de s'afficher en couple homo, d'afficher des gestes d'affection si on en a envie comme le font les couples hétéros. Par crainte sûrement du regard des autres, de leur jugement au pire, de leur agressivité. Alors en 95, imagine.
Entre elles, la tension est palpable. Mais c'est pas une tension sexuelle, c'est plutôt une tension de tendresse. Le corps de l'une s'approche, l'autre recule un peu.
Elles tendent comme si elles étaient sur un bateau, mais elles sont pas ivres. C'est une danse lascive de deux êtres qui s'apprivoisent, qui ont envie de se toucher, qui vont le faire, mais qui prennent tout leur temps. Leurs mains sont toutes proches.
Je jure que je peux voir l'énergie vorace qui circule entre elles. Leurs regards sont bouillants. Je sais plus si c'est de la pudeur ou un jeu entre elles. Je savais pas que ça pouvait être aussi excitant de voir deux femmes flirter.
Mon clitos se met à palpiter. Bon, je vais aller pisser. Quand je sors, elles s'embrassent. Les mains de l'une en serrent la nuque de l'autre. J'essaye de pas regarder, mais c'est plus fort que moi. C'est un truc auquel je suis sensible, la nuque.
Les bouches s'ouvrent, les langues se mélangent. Je me passe de l'eau sur le visage, je me regarde dans le miroir et je me dis "ma vieille, on y va cool. Prends le temps de savoir ce que tu veux vraiment, ne fais pas n'importe quoi".
Je bois un peu d'eau fraîche, je me rafraîchis la nuque. Voilà, c'est mieux. Je sors des toilettes et bon, la curiosité reprend le dessus. Trouver la backroom, ne pas réfléchir à ce que je vais y voir, y faire. Je prends un couloir, non ça c'est la cuisine, et puis là c'est la sortie de secours.
Et je me retrouve dos au mur, une hand près de ma tête, un regard planté dans le mien, ce regard, la serveuse. Oh putain, qu'est-ce que je suis censée faire ? Elle me demande si je cherche quelque chose, si elle peut m'aider, je panique.
Je dis que c'est parce qu'elle croit que je me suis perdue. J'ai bien conscience que je suis pitoyable. Il y a un instant qui dure une éternité. Elle me demande si elle peut toucher mes lèvres. Oui. Ouais, touche mes lèvres. Je sais pas ce que je ressens, mais cette proposition me fait envie. J'en suis sûre.
Alors, de deux doigts, elle caresse ma lèvre inférieure, toujours en me regardant. C'est tellement bon. Je sens son désir et le mien grimper en flèche. J'ai moins peur et j'ai terriblement envie.
Ses doigts caressent ma joue, ma nuque. Oh putain, ma nuque. Je réalise que tout mon corps est tendu vers elle, que j'exige la suite. Elle pose alors un baiser tendre sur mes lèvres, me sourit. Elle doit retourner travailler.
Son service se termine dans une heure et elle me demande de l'attendre. Je suis tellement émue. Je me demande comment je vais tenir une heure. Je me souviens de cette cacophonie dans ma tête.
Envie de partir en courant parce que bon, quand même, je suis hétéro. Envie de demander conseil aux copines pour rassurer au chaos. Bloquer sur les couples qui s'embrassent, de plus en plus excités. Et puis voilà, son service finit.
On marche toutes les deux dans le silence de la nuit. Elle a pris ma main très simplement, l'a embrassée, m'a embrassée et à partir de là, j'ai plus eu peur.
D'ailleurs, quand on s'installe sur les coussins de son salon, je lui dis que c'est une première pour moi. Qu'elle n'hésite pas à me dire si je suis maladroite. Comme au bar, elle passe son pouce sur mes lèvres. Je me rends bien compte que ce geste m'excite terriblement et je lui dis...
Et puis je me tais parce qu'elle m'embrasse. Un baiser puissant, humide, comme une pénétration de sa bouche dans la mienne, de ma bouche dans la sienne. Son corps chaud, ses seins, l'odeur de son excitation, de sa soeur.
C'est à mon tour de prendre l'initiative. Je lui retire son T-shirt, la contemple, la caresse du bout des doigts. Puis à pleine paume, elle gémit. Je veux la voir entièrement. Je tourne autour d'elle, j'embrasse ses homoplates, ses bras, ses mains.
Et puis je me mets à genoux devant elle. Nous sommes face à face. Elle me demande si elle peut caresser mes seins. Sa question, qu'aucun homme ne m'a jamais posé avant, me fait chavirer le corps, le cœur.
Oui, je dis, caresse-les, caresse-moi. Alors ses doigts agrippent mes tétons et j'enterre mes préjugés, mes peurs pour prendre possession de mon plaisir. Ce soir-là, j'ai joui. J'ai joui sans faire attention à quoi je ressemblais, sans me dépêcher, sans simuler, sans douleur, sans penser.
Ce soir-là, elle a joué aussi. On s'est jamais revus. Mais elle a changé mon monde.








